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La France s’achemine doucement vers un nouveau système de retraite universel, par points. Tel est la préconisation phare du rapport rendu au Gouvernement le 18 juillet par Jean-Paul Delevoye.
Rendu le jeudi 18 juillet, le rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, préfigure le texte qui devrait être présenté par le Gouvernement en fin d’année, puis discuté au Parlement, pour une entrée en vigueur prévue en 2025.
Ces préconisations, établies à partir d’une vaste concertation qui a duré un an, vont très probablement constituer l’essentiel du projet de réforme. Mais les arbitrages gouvernementaux et les débats parlementaires risquent aussi de les modifier sensiblement. En attendant de connaître le résultat final, que faut-il retenir du rapport Delevoye ?
Un nouveau système « universel » doit remplacer les 42 régimes de retraite existant aujourd’hui. Il sera obligatoire, public et par répartition. Si certaines spécificités seront prises en compte, des règles communes vont s’appliquer à tous, quel que soit son statut. Finis les régimes spéciaux, désormais, un euro cotisé donnera les mêmes droits quelle que soit son activité professionnelle.
Particularité du système de retraite français mis en place en 1945, la répartition est réaffirmée, même si le Gouvernement, à, travers la loi PACTE, souhaite encourager la retraite supplémentaire par capitalisation.
Quant aux points, ils seront attribués pour valoriser toutes les périodes d’activité, ce qui devrait avantager les carrières heurtées et les petites rémunérations. Plus besoin de faire 150 heures pour valider un trimestre. Finis les 25 meilleures années ou les six derniers mois. Désormais, chaque euro cotisé comptera et donnera les mêmes droits à tous.
La retraite sera calculée en tenant compte de deux facteurs :
– la valeur d’acquisition, permettant de calculer le nombre de points acquis grâce aux cotisations annuelles,
– la valeur de service, permettant au moment du départ en retraite de convertir les points acquis au cours de sa carrière.
Le rapport Delevoye propose qu’un point soit acquis pour 10 euros cotisé. La valeur du point ne pourra pas baisser dans le temps et pourra être réévaluée en tenant compte de l’évolution des revenus moyens en France et non plus de l’inflation, moins favorable.
Le rapport préconise aussi qu’un point donne droit à 0,55 % de retraite annuelle. Cette valeur, fixée au démarrage de la réforme, pourra être ajustée dans le temps en fonction des hypothèses économiques et démographiques.
Le rendement d’équilibre du système, c’est-à-dire le rapport entre la valeur de service et la valeur d’acquisition des points, serait de 5,5 %. Autrement dit, 100 euros cotisés donneraient droit à 5,5 euros de retraite par an.
Avec ces nouvelles règles, on bascule d’un système à prestations définies vers un système à cotisations définies.
Les droits acquis dans les anciens régimes seront garantis. Une incertitude demeure toutefois sur la transposition des anciens droits dans le nouveau système par points.
Le nouveau dispositif doit s’appliquer, à partir de 2025, aux assurés nés à compter de 1963 et qui seront à plus de cinq ans de leur départ en retraite au moment du vote de la loi.
L’objectif affiché par le Gouvernement étant de réduire les inégalités existantes entre les différentes catégories de retraités, au profit notamment des femmes, des travailleurs aux carrières heurtées ou des petits salaires, plusieurs mesures du rapport Delevoye vont dans ce sens :
– attribution de points en cas de chômage, de maternité, d’invalidité ou de maladie ;
– minimum de retraite à 85% du SMIC net pour une carrière complète ;
– maintien des départs anticipés pour les carrières longues ;
– valorisation des débuts de carrière pour les jeunes actifs ;
– majoration de la retraite de 5% dès le 1er enfant ;
– points attribués pour les interruptions d’activité liées aux enfants ;
– attribution de points pour les proches aidants pour les périodes d’accompagnement ;
– harmonisation des règles de réversion avec un système unique pour mettre fin aux inégalités actuelles (taux, conditions de revenus, d’âge, de non remariage selon les régimes…) et garantir un niveau de vie au conjoint survivant équivalent à 70 % des droits à la retraite du couple ;
– reconnaissance de la pénibilité et des spécificités de certains métiers avec des règles communes public et privé pour la prise en compte de la pénibilité, notamment la généralisation du compte professionnel de prévention et le maintien des départs anticipés pour les régimes spéciaux.
De même, la transition entre l’emploi et la retraite serait facilitée avec un cumul emploi-retraite plus attractif (pas de plafond, ni de limite à compter de l’âge du taux plein, nouveaux droits constitués) et un élargissement de la retraite progressive à tous.
Les taux de cotisation entre privé et public devraient être uniformisés avec un taux global unique de 28,12%, réparti à 60%/40% entre les employeurs et les salariés.
Les assiettes de cotisation devraient elles aussi converger, avec notamment une prise en compte des primes des fonctionnaires et des régimes spéciaux pour le calcul des droits.
Concernant les travailleurs non-salariés, un équilibre sera recherché via un aménagement du barème de cotisation :
– taux de cotisation identique aux salariés ;
– barème des cotisations dégressif pour préserver l’équilibre économique des indépendants ;
– acquisition d’un minimum de droits annuels pour les faibles revenus ;
– refonte de l’assiette sociale pour renforcer l’équité avec les salariés ;
– convergence progressive des barèmes de cotisation pour les professions libérales.
Même si la réforme a pour but une plus grande équité entre les Français à travers la fin à terme des régimes spéciaux, le rapport suggère néanmoins de prendre en compte « certaines spécificités de certaines professions ».
Faut-il reculer l’âge légal de départ ? Sur cette question ultra-sensible, le rapport Delevoye répond non. Ce sera toujours 62 ans, comme le Président de la République l’a promis.
Néanmoins, il faut bien assurer l’équilibre financier du système et le haut-commissaire propose donc l’instauration d’un âge pivot, dit « du taux plein ». Fixé à 64 ans, pour le moment puisqu’il est appelé à évoluer avec l’espérance de vie, il permettra d’obtenir un rendement optimal de ses points acquis de 5,5 % et sera assorti, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, d’une décote et d’une surcote afin d’inciter les Français à travailler plus longtemps.
Qui va gérer le nouveau dispositif ? Le rapport préconise de concilier la place de l’État qui impulse et définit les grandes orientations avec le rôle des partenaires sociaux qui défendent le monde du travail face aux impacts de la réforme et la participation des citoyens, appelés à participer au débat, sans oublier l’évaluation par des experts indépendants.
Une caisse nationale de la retraite universelle serait le seul organisme gestionnaire.
Un fonds de réserve universel serait créé pour faire face aux aléas démographiques et économiques.
Avec cette réforme « systémique », la France va rompre avec l’habitude des réformes « paramétriques » consistant à rechercher des économies pour rétablir un équilibre financier sans cesse défaillant.
Conçu à l’équilibre en 2025, le système universel doit garantir la pérennité des retraites sur le long terme en mettant fin à l’accumulation des déficits. Mais rien ne sera gravé dans le marbre. La mention « au démarrage de la réforme » apparaît plusieurs fois dans le rapport et laisse entendre que les gestionnaires du système devront faire preuve de pragmatisme et de réalisme pour l’ajuster au fil du temps, en tenant compte de l’évolution de l’espérance de vie et de l’évolution de la population active par rapport à celle des retraités.
L’Outre-Mer pas oublié
Faisant le constat des spécificités des régimes de retraite dans l’Outre-Mer, le rapport Delevoye propose qu’une ordonnance spéciale soit consacrée à la transposition du futur régime universel aux départements et territoires d’Outre-Mer. S’agissant de la Réunion, la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Saint Barthélémy et Saint Martin, « Certaines spécificités propres à ces territoires seront à prendre en compte ».
Concernant Mayotte et Saint Pierre et Miquelon, il conviendra d’adapter les ordonnances existantes. Enfin, concernant la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna, « Il conviendra de consacrer un temps spécifique pour prévoir les adaptations à la diversité des situations présentes dans ces territoires ».