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Dans le cadre de la discussion du projet de loi PACTE, les sénateurs ont adopté un amendement visant à autoriser la transférabilité des contrats d’assurance vie de plus de 8 ans sans perte de l’avantage fiscal. Décryptage avec Philippe Crevel, directeur général du Cercle de l’Épargne.
Dans le cadre de la discussion du projet de loi PACTE, les sénateurs ont adopté un amendement visant à autoriser la transférabilité des contrats d’assurance vie de plus de 8 ans sans perte de l’avantage fiscal.
Les députés en nouvelle lecture, en commission ont proposé de leur côté la possibilité de transférer d’un contrat sur un autre mais au sein d’un même assureur.
Si pour les nouveaux contrats, l’enjeu n’est pas aussi important qu’il n’y paraît depuis l’introduction du Prélèvement Forfaitaire Unique à 30 %. En effet, tous les rachats sur les versements effectués depuis le 26 septembre 2017 sont soumis à 30 % pour les contrats de moins de 8 ans.
Pour les versements effectués avant cette date, les taux sont bien plus élevés (52,2 % entre 0 et 4 ans et 32,2 % entre 4 et 8 ans). En revanche, pour le stock, l’enjeu est important. Or, l’assurance vie, c’est 1 700 milliards d’euros d’encours.
Pour les contrats de plus de 8 ans, le taux est de 24,7 % pour les versements antérieurs au 26 septembre.
Pour les versements ultérieurs, si leur montant inférieur à 150 000 euros (300 000 euros pour un couple co-souscripteur), le taux reste identique. S’il dépasse, ce montant, il passe à 30 %.
Par ailleurs, au-delà de 8 ans, l’assuré bénéficie d’un abattement fiscal sur les 4 600 euros sur les revenus de son contrat (9 200 euros pour un couple).
Ces propositions qui relaient celles d’associations de consommateurs visent à accroître la concurrence en permettant aux épargnants de changer plus facilement de contrats s’ils le jugent peu performants.
C’est la logique consumériste qui prévaut en matière d’assurance habitation, de complémentaire santé, etc. d’abonnements téléphoniques. Cette concurrence est censée diminuer les coûts de gestion.
Il n’y a pas que les assureurs qui sont contre. Le gouverneur de la Banque de France Villeroy de Galhau, s’est opposé à cette proposition de manière assez nette. Lors d’un entretien sur BFM Business, il a déclaré que la transférabilité à tout moment d’un contrat d’assurance vie d’un assureur vers un autre assureur, « ça pose des problèmes assez sérieux » et cela « ne paraît pas une bonne solution ».
L’assurance vie est un contrat. Cela repose sur un accord entre les partis. La possibilité à tout moment de rompre le contrat en change évidemment le contenu. Ce n’est pas un produit de consommation courante. Il y a des engagements pris, il y a des mécanismes techniques qui sous-tendent l’assurance vie. La garantie en capital est un service qui est accordée aux assurés. Cela a un coût surtout en période troublée.
En cas de remontée des taux, les assurés seraient tentés de dénouer leurs vieux contrats pour opter pour des nouveaux plus rémunérateurs. Or, si tout fait de la sorte, il y aurait un risque systémique.
Le système repose sur un mécanisme de solidarité collective. À ce titre, la loi Sapin autorise le Gouvernement à bloquer les rachats en cas de choc obligataire.
Si la transférabilité est généralisée, les assureurs devront disposer de beaucoup plus de liquidités. Comme le souligne le Gouverneur de la Banque de France, les assureurs devront raccourcir l’horizon de leurs placements et (les investir) davantage en produits liquides qui peuvent être cédés à tout moment. Cela pourrait aller à l’encontre des intérêts de l’économie et contre ceux des assurés.
Les assureurs pourraient réduire la poche. Or, aujourd’hui, 333 milliards d’euros de l’assurance vie sont affectés à ce type de placements. Les ETI et les PME pourraient être pénalisées.
Les gouvernements successifs font pression pour accroître la poche actions. Il y aurait alors une contradiction dans les objectifs poursuivis.
Le rendement des fonds euros seraient touchés par une telle mesure. En effet, il faudrait revoir les durations. Une diminution de 0,2 point du rendement des fonds euros pourrait être constatée.
L’assurance vie est aujourd’hui le seul produit d’épargne à long terme ayant rencontré un réel succès, l’ancienneté moyenne des contrats est de 11,5 années. En changeant les règles, il y aurait un risque non négligeable à transformer ce produit en un simple compte titres avec une érosion des fonds euros qui seront de moins en moins proposés par les assureurs.
Par : Philippe Crevel Publié le : 12 mars 2019